Quando mi assento per più di una settimana, al mio ritorno trovo nella cassetta delle lettere i numeri arretrati di Charlie hebdo... allora, conscio che alcune notizie (specialmente quelle che fanno da traino alla satira del giornale) sono oramai obsolete, sfoglio questi 'vecchi' numeri con una certa sufficienza.Ma senza tralasciare mai le cronache dal pronto soccorso di Pelloux (anzi, insieme alla 'vie sécrète des jeunes' di Riad Sattouf e la prima cosa che leggo). Spesso divertenti, a volte rabbiose, sempre interessanti, raramente 'noiosette'... e quella che vi propongo qui sotto è decisamente tra le più belle che io abbia letto; commovente (non vogliatemene, ma mi risulta lungo farne la traduzione... provate con google)
LA MER, CONTE CONTEMPORAIN
Marion, au coeur si grand et a l'humanisme a trouver beau le laid, s'est décidée a devenir gériatre. Lorsqu'elle a demandé a rester dans le service de geriatrie de ce bel hôpital parisien, le chef de pôle, qu'elle croyait être son pote, l'a virée, car il voulait avoir la prime sur les objectifs financiers et n'aimait pas sa «marginalité». Un con devenu chef est un néant.
Sans désespérer, elle est partie travailler dans une maison de retraite. Pas facile de trouver un intérêt dans la routine de vieillards dits « déments ». Chaque jour, la visite a 9 heures avec l'infirmière qui raconte ses douleurs, le jeune brancardier qui rève d'ètre footballeur et la cadre sarkozyste... Elle a tenu six mois, critiquant souvent le fait que les vieux étaient posés devant le Journal de 13 heures de TF1, après être passés devant une jardinière de légumes entourée d'une viande d'une race irréelle et des desserts que seule la poubelle accepte d'engloutir. Cet établissement aurait dû s'appeler «la désespérance fleurie». L’agonie moderne des vieilles gens est une longue attente aux révoltes rêvées.
Un matin, Marion est entrée dans la chambre de M. André, 77ans, ancien professeur de français placé ici en raison de son handicap à la marche après une fracture du fémur. Il habitait au cinquième sans ascenseur, alors il a été déposé là. Il ne disait rien depuis des mois. L’aide-soignant l'avait surnommé «l'huître» et ça faisait rire la cadre. Il a attendu d'ètre seul avec la toubib, l'a regardée et tenté un «je m'ennuie». Elle lui a demandé ce qu'il voulait. «Des livres... De l'air... » La cadre lui a tendu un vieux Paris Match et a ouvert la fenêtre... «Qa aurait pu être pire», murmura André. Marion s'est marrée et la cadre est partie en jugeant ce pensionnaire irascible, incohérent, et en déclarant qu'il fallait majorer ses calmants.
Notre gériatre n'a pas dormi et a réfléchi jusqu'à l'arrivée au sommet de la montagne de son idée. Le lendemain, elle a bâti le projet avec le directeur de l'établissement, tout aussi enthousiaste : douze vieux volontaires iront revoir la mer ! Un mois de préparatifs et de formalités a été nécessaire pour le voyage. Certains n'avaient plus vu la mer depuis plus de soixante ans ! André decida de lâcher le déambulateur et de reprendre la canne, et la kiné, avant le départ, a redoublé l'exercice.
Le grand jour arriva. Ils ont enlevé robes de chambre et pyjamas pour mettre les beaux habits, comme si La Java bleue allait étre jouée aux bords de la Marne un dimanche. Cela ressembla a une évacuation sanitaire. Il a fallu installer les plus invalides, prévoir les médicaments, les couches-culottes, les chaises roulantes, les préparations liquides pour les nourrir... Mais Marion avait tout prévu, méme la musique dans le bus. Et dès le premier virage, ça a commencé a papoter comme des mômes, avec souvenirs et potins, petits refrains fredonnés et compliments des hommes a ces dames sur la tenue de leur coiffure. Vues de haut, elles ressemblaient a un déplacement de pelotes de laine colorées !
A l'arrivée, ils ont eu du mal a sortir sur la plage, regardant longuement l'objectif atteint. Une vieille a refusé la chaise roulante et a pris le bras de l’accompagnateur pour aller marcher sur le sable en pleurant en silence. Les douze vieux ont fini sur le sable. André levait ses bras au ciel en marmonnant. Le soir, ils ont mangé a l'auberge et ont même bu un verre de vin. Il paraît méme qu'ils se sont couchés tard... C'est-à-dire bien après le Journal des Régions de la 3, en langage maison de retraite. Le rire est apparu autour de la table lorsque André a chanté puis a proposé de voir les étoiles.
Clopin-clopant, la bande d'instables est partie vers la terrasse. Les vieilles, redevenues femmes, ont rajusté leur coiffe et les hommes se sont occupés de ceux qui ne marchaient pas bien. Sur la terrasse, ils ont regardé le ciel étoilé. Certains ont dû confondre les villages de la côte, mais on s'en fout. Ils n'ont pas touché à leurs compléments alimentaires, n'ont pas pris leur calmant pour dormir. Au bout de huit jours, presque tous étaient redevenus continents et plus éveillés. Ils mangeaient tous a table et la télé était éteinte.
Marion en a un peu pleuré à son retour lorsqu'elle m'a raconté son histoire : fière simplement d'avoir fait du bon boulot. André lui a écrit une belle lettre en pleins et déliés pour lui dire que ce fut son plus beau voyage. Sans doute son dernier, mais le plus merveilleux.
voster semper voster